4.3.10

De Funès au pays de la Sécu

Un livre dont je recommande la lecture : "Médecin malgré moi" de Patrick de Funès (fils ainé du grand Louis), sorti en édition de poche en 2009.

Patrick de Funès a trempé sa plume dans le vitriol pour nous décrire sa vie de radiologue. Il attaque de tous côtés, et n'épargne même pas ses confrères à l'égard desquels il est très sévère : sur 211000 médecins français, il estime qu'à peine 1 sur 2 est compétent. Il fait un sort particulier aux "morticoles" (selon le joli néologisme de Léon Daudet), les "chirurgiens tueurs en série", dont la réputation n'a d'égale que l'incompétence, et dont l'administration se débarrasse en leur confiant des missions prestigieuses ou en les envoyant à l'OMS. De Funès prend garde de ne citer aucun nom - les seuls qu'ils citent sont ceux qui sont dignes de son estime et qui échappent à la morticulture, comme le professeur Cabrol.

Le conseil de l'ordre des médecins est massacré en quelques chapitres : créé sous Vichy en 1942, "officine de dénonciation" qui "rappelle les pratiques du KGB", ce "protecteur des truands et pourfendeur des médecins intègres", dans sa "bêtise ordinale", n'avait même pas retiré son autorisation au sinistre docteur Petiot lorsqu'il fut guillotiné en 1945.

De Funès passe rapidement sur ses propres déboires de praticien, avec des assistantes qui lui volent les feuilles de soin, les remplissent d'actes fictifs et se font rembourser en espèces sonnantes et trébuchantes, ce qui lui vaut par la suite la visite d'un inspecteur chargé des litiges de la Sécurité sociale qui vient examiner ses comptes et ses remboursements.

A la lecture du livre, à travers de nombreux exemples, on voit combien la Sécu collectiviste et irresponsable se prête à toutes les magouilles possibles. Il y a évidemment la CMU, courageusement instaurée, selon de Funès, par la gauche jospinienne en faveur des riches, CMU qui favorise ceux qui n'ont pas de revenu fixe sur le territoire français : acteurs de cinéma, rentiers exilés à Marrakech, touristes étrangers, etc.

L'anecdote suivante est typique à la fois de la facilité à "tirer sur la Sécu", vache à lait collective et inépuisable, et de la dévalorisation du métier de médecin qui en résulte.

Le médecin généraliste est devenu un simple robot de compagnie à visage humain. (...) Récemment, au marché, je croisai Gérard Duchemin, généraliste. [Ils admirent tous deux les poireaux sur le banc du maraîcher, puis le généraliste se plaint de la course au rendement universelle]
- Nous autres généralistes sommes obligés de voir au moins trente malades par jour pour couvrir nos frais. Et en prime nous sommes traités comme des domestiques. Tenez, devant ces mêmes poireaux, il n'y a pas une heure, un patient m'est tombé dessus : "Docteur, quel soulagement de vous rencontrer, me dit-il, ma femme se plaint de douleurs dans la poitrine. Serait-ce trop vous demander de m'accompagner à la maison ?" Il avait l'air inquiet, et un refus pouvait me conduire devant les tribunaux. J'ai embarqué le bonhomme et son sac à provisions qui empestait le cèleri et l'andouillette. Après dix kilomètres de virages en épingle à cheveux, nous avons aperçu sa femme au jardin qui jouait à la balle avec son boxer. "Elle se porte comme un charme !" m'étonnai-je. Savez-vous ce qu'il m'a répondu ? Je vous le donne en mille. "Cher docteur, je vous ai menti... Je n'avais pas envie de prendre l'autocar pour rentrer. Mais nous y gagnons tous les deux : vous empochez le montant d'une consultation et je suis remboursé. Ce qui n'aurait pas été le cas avec un taxi."
Voilà qui ouvre des perspectives radieuses à tous les nécessiteux de France et d'outremer ! Les médecins ne pourraient-ils pas rendre une infinité de "services à la personne" (faire les courses, le ménage, le jardin, les sorties des écoles...) pour le prix modique d'une consultation ?

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